Salluste, sabin
d’origine, naquit 98 ans avant J.C.. Il fut d’abord
questeur, puis tribun du peuple et fut exclus du sénat pour cause
d’adultère : il se retira dans la gaule auprès de Jules César, qui devenu
maître de cette république le rétablit dans sa dignité de sénateur et lui dona
peu de temps après la préture de Numidie. Les exactions dont il se rendit
coupable lui procurèrent d’immenses richesses. Il fut accusé de
concussion, mais César l’acquitta. Il
mourut dans sa magnifique villa de Tibur, à l’âge de 50 ans.
Salluste composa
dans son tribunal, l’histoire de la conjuration de Catilina ; dans sa
préture, l’histoire de la guerre de Jugurtha, et dans sa retraite, l’histoire
intérieure et extérieure de Rome, depuis la mort de Sylla jusqu’à Catilina. Cet
ouvrage est divisé en six livres, où l’on voyait la guerre de Lépide, celle de
Sertorius en Espagne, l’expédition de Lucullus contre Mithridate, le fameux
siège de Cyzique, la révolte de Spartacus, l’invasion de Marc-Antoine dans
l’ile de Crète , la guerre des pirates, la publication de la loi Manilla. De
tous les ouvrages il ne nous reste qu’un assez grand nombre de lambeaux
informes, et quelques fragments plus
étendus, tels que 4 discours et 2 lettres, l’une de Pompée au Sénat, l’autre de
Mithridate à Tiridate.
Velleius Paterculus
appelle Salluste l’émule de Thucydide ; Quintilien le met également à coté
de ce grand historien et le préfère même à Tite-Live. Martial a dit de
lui : « Hic erit, us perhibent,
doctorum corda vivorum,
Primus romana Crispus in
historia ».
Plusieurs critiques
modernes ont confirmé ce jugement. Sans doute, à part de fréquents hellénismes
et l’abus de vieilles locutions, on ne saurait trop admirer la pureté, la
concision de son style, l’art avec lequel il dispose les parties de son travail
sous une forme dramatique, l’énergie de sa diction, la richesse de ses idées et
le talent avec lequel il peint le caractère des hommes qu’il met en scène.
Salluste en
écrivant l’histoire d’une conjuration contre le gouvernement, histoire qui
devait être entièrement politique, s’est manifestement plus occupé de
l’élégance de la narration et de la
peinture des caractères que du soin de dévoiler les causes et les ressorts
secrets des événements. Au lieu de cette instruction pleine qu’on avait droit
d’attendre de lui sur l’état des différents partis qui divisaient Rome à cette
époque, et sur les circonstances particulières qui donnèrent à un homme perdu
de débauches comme Catilina, les moyens de se rendre redoutable au
gouvernement ; cet historien se borne à faire, en termes généraux, un
tableau déclamatoire du luxe et de la corruption des mœurs du siècle comparés à
la simplicité des anciens temps. Certes ce n’est pas là qu’on s’éclaire. On y
voit seulement un auteur qui par ses éloquentes invectives contre la
dissolution générale, voulait faire illusion sur la sienne.
Salluste ne peut
être cité comme le modèle des historiens. Outre qu’il manque de profondeur et
de bonne foi, jamais il n’offre dans ses ouvrages cette éloquence passionnée de
la vertu qu’on rencontre dans Tacite. On n’y voit point présider, pour les
animer, une idée supérieure ; ni celle de la justice, il s’était enrichi
par des concussions ; ni celle de la morale, il n’en avait que dans ses
ouvrages ; ni celle de la patrie, il ne fut qu’une créature servile du
tribun Clodius et du dictateur César. Que reste-t-il à Salluste, le titre
d’habile narrateur, de déclamateur éloquent.