Lucain naquit à Cordoue, (ville de l’Andalousie, sur le Guadalquivir) l’an 38
de J.C., d’une famille originaire d’Italie, extrêmement considérée en Espagne.
Amené à Rome dès l’enfance, il y étudia la grammaire, l’éloquence et la philosophie. A
peine âgé de 13 ans, il composa un combat d’Hector et d’Achille, et à 14 ans il
se signalait par des déclamations vraiment éloquentes en Grec et en Latin. Il
alla ensuite passer quelques temps à Athènes, d’où Sénèque l’appela pour le
placer auprès de Néron. Les talents précoces du jeune poète lui concilièrent
l’amitié du prince qui le fit nommer, avant l’âge prescrit, aux charges de
questeur et d’augure. La manie poétique de Néron et la vanité de Lucain qui ne
voulait céder à personne le premier rang, brouillèrent bientôt les deux amis.
Le poète fut surtout blessé de ce que l’empereur étant un jour venu l’entendre
réciter un de ses ouvrages, s’était retiré au milieu de la séance sous prétexte
d’aller au Sénat. Lucain employa d’abord, pour se venger, les armes que les
poètes ont entre les mains. Il fit contre Néron des vers injurieux, quoiqu’il
lui eut prodigué des louanges excessives au
commencement de sa Pharsale. De plus, il se porta comme concurrent du prince
dans une assemblée publique, et les juges lui décernèrent le prix. Néron se
vengea en lui défendant de déclamer dorénavant en public. Ce fut sans doute la
haine que dès lors il conçut contre le prince pète, qui le fit entrer dans la
conjuration de Pison. Le complot ayant été découvert, il fut arrêté avec les
principaux complices : il nia pendant longtemps ; mais, gagné par
l’espoir de l’impunité, il se résolut à parler et nomma Atilla
sa mère. Mais on ne lui tint pas parole. Néron lui ayant donné l’ordre de
mourir, il se fit ouvrir les veines. Il avait déjà perdu une grande quantité de
sang, lorsque, se rappelant une description qu’il avait faite dans sa Pharsale
d’une mort à peu près semblable, il se mit à la réciter. Il
marqua aussi dans cet instant quelques corrections à faire dans ses poèmes. Il
n’avait pas 30ans quand il mourut. Il laissa une jeune
veuve, Polla Argentaria,
dont Martial et Stace célèbrent à l’envi la beauté, la naissance et les
talents.
Malgré la courte
durée de sa vie, Lucain avait composé un grand nombre d’ouvrages
envers : le combat d’Hector et
d’Achille, un poème de la descente d’Enée aux enfers, l’embrasement de Rome,
des éloges de sa femme Polla, des saturnales, une
tragédie de Médée, 10
livres de sylves (pièces de poésie détachées qui n’ont
aucun rapport entre elles et qui sont composées dans un moment de fougue et
sans méditations), plusieurs épitres, une harangue contre Octavius
Sagitta. Ce qui l’a surtout illustré, c’est sa
Pharsale, ou, récit des guerres civiles de César et de Pompée, à laquelle sa
mort prématurée l’empêcha de mettre la dernière main. C’est le seul ouvrage qui
nous reste de lui.
La Pharsale est
un poème sans valeur morale, sans idée, sans plan. C’est une œuvre de détails
mais point d’ensemble ; avec des membres mais sans tête. C’est une
déclamation de jeune homme sur les guerres civiles considérées dans leur
caractère le plus extérieur et le moins politique, c'est-à-dire, comme donnant
lieu à des batailles impies où les frères s’entretuent, c’est une longue
malédiction contre ceux qui arment les pères contre les fils.
Le manque
d’unité n’est pas le seul défaut de la Pharsale considérée dans son ensemble.
Un défaut plus choquant et qui s’y fait ressortir presqu’à chaque vers,
c’est le manque de vérité historique. On
peut s’habituer, jusqu’à un certain point à l’absence d’unité ; mais le
manque de vérité historique ne peut s’excuser, parce que c’est un manque de
sens et de convenance, chose qui ne se pardonne pas.
Sur le rapport
du genre, la Pharsale n’est point une épopée. On n’y trouve point comme dans
Homère et Dante un résumé de la vie humaine, dans sa plus grande universalité.
Ni comme dans Virgile et Le Tasse, le résumé de la vie sociale ou politique
d’une époque particulière. Les principaux personnages de la Pharsale, Pompée,
César, Caton, Brutus, Cornélie, Martial, ne sont
vrais ni comme hommes, ni comme personnages historiques.
La Pharsale
n’est donc à proprement parlé qu’un poème descriptif et n’intéresse que comme
tel. Les descriptions en tiennent plus de la moitié. Il nous
reste maintenant à dire quelques mots du style de Lucain. Au lieu de la poésie
sobre, douce, reposante de Virgile, la Pharsale offre une poésie modérée et
rauque. Lucain tourmente la langue pour exprimer sous des formes nouvelles des
choses déjà bien dites. Il innove des mots, des tournures, des métaphores, pour
exprimer des faits simples ou des idées communes. Partout un grand luxe
d’expressions, de formes, et pourtant une monotonie fatigante. Dans Virile,
dans Horace, dans Olive même, ce qui caractérise cette partie toute extérieure
du style, c’est la variété, variété de coupes, variété de chutes, variété de nombre
et d’harmonie. Rien de tout cela dans Lucain. Son éternel refrain, c’est une
phrase finie ou suspendue à la césure du 3ème pied.
Enfin parmi les beautés dont à travers les défauts étincelle
cet ouvrage, on admire surtout les noces de Marie, la marche dans les déserts
d’Afrique, les portraits de César et Pompée, le passage du Rubicon, etc.