Horace naquit à Vénuse, dans l’Apulie, l’an 63 avant J.C..
Son père, qui n’était qu’un simple affranchi, lui fit étudier à Rome les belles
lettres sous les maîtres les plus célèbres. De Rome, il se rendit à Athènes, où
il puisa le goût de la
philosophie. C’est là, que Brutus le rencontra et l’engagea à
le suivre, après l’avoir créé tribun des soldats. Un an après eut lieu la
bataille de Philippes, où Horace jeta son bouclier et prit la fuite. Dégouté
de la profession des armes, il revint à Rome, et la perte de ses biens que les
triumvirs avaient confisqués, le contraignit de se livrer à la poésie. Les
premiers essais le firent remarquer de Virgile et de Varius,
et ces deux poètes le recommandèrent à Mécène qui le fit connaître à Auguste.
Ce prince l’admit dans la plus intime familiarité, lui fit remettre le
patrimoine de son père et le combla de bienfaits. Horace, content de son sort,
s’abandonna en épicurien aimable à son goût pour les plaisirs, sans jamais se jeter
dans la carrière de l’ambition. Il refusa la place de secrétaire d’Auguste, qui
avait gêné sa liberté. Il jouissait dans le palais de l’empereur de la même
liberté qu’il aurait pu désirer dans sa propre maison. Cependant, ami du calme
et de la solitude, il fuyait souvent de Rome à sa terre, soit dans le pays des
Sabins, soit à Tibre. Là, exempt de soins et de gênes, badinant avec les grâces
et les muses, il se livrait à une voluptueuse insolence. Disciple éclairé
Epicure, il ne refusait à ses goûts rien de ce qui pouvait se concilier avec
l’honneur et le désintéressement. Modeste et paisible, il ne lisait ses vers
qu’à quelques amis choisis, et fuyait le fracas de applaudissements. Bailleur
plutôt que caustique, il riait des folies humaines sans haïr les fous et tournait assez souvent sur lui-même les
traits de sa satyre. On loue la candeur avec laquelle
il rend justice à tous ses rivaux en poésie et la vive amitié pour Mécène, Varius et Virgile. On a reproché avec aigreur à ce poète
d’avoir rendu des louanges à Auguste ; rien de plus injuste : ami de
la paix, ennemi et victime des discordes civiles, Horace devait aimer Auguste,
et pouvait non pas lui vendre mais lui donner de justes éloges. Au reste, jamais Pompé, Brutus, Antoine, ne
sont injuriés dans les vers, et il nomme Caton avec l’accent de l’admiration. Horace mourut âgé de 57
ans, l’an 88 de J.C., trois semaines après Mécène, auprès de qu’il fut
enseveli ; on a même prétendu qu’il s’est donné la mort pour ne point
survivre à son ami.
Œuvres d’Horace :
1° Les œuvres d’Horace nous sont
parvenues en entier. Elles se composent :2° Les
quatre livres d’odes, suivis d’un poème séculaire, et d’un livre d’épodes en
vers mêlés ;3° De
deux livres de satyres ;4° De
deux livres d’épitres ;5°Et
de l’art poétique en vers hexamètres.
Odes :
Horace ne nous
parait pas avoir rempli comme Pindare la carrière poétique, il lui manqua
quelque chose à son inspiration, c’est un sentiment profond de la divinité. Horace
était philosophe, et la philosophie ne se concilie pas avec les émotions fortes
et touchantes. Le ton du poète latin a pourtant de la majesté ; mais cette
grandeur, si on la remarque, tient beaucoup plus à la hardiesse du langage qu’à
l’entrainement des émotions. Horace n’est jamais aux cieux, il ne remue pas
l’âme, il n’a pas de sentiments qui remplissent l’homme de piété et de douleur,
lorsqu’on l’admire le plus, on est obligé de s’arrêter par l’énergie grave et
prononcée de son style, par la majesté hardie quoique un peu négligée de ses
paroles. Les réflexions s’appliquent à l’ensemble de ses poèmes lyriques ;
cela ne nous empêche pas de reconnaître
la fécondité merveilleuse de son esprit, et surtout la finesse de sa pensée.
Nous trouvons en lui le pète ingénieux d’un siècle poli, nous n’y trouvons pas
le poète inspiré d’un siècle plein de foi.
Nous
remarquerons que partout où Horace n’est pas le chantre des voluptés, il est
obligé pour donner de la solidité à ses poèmes ; d’appeler le secours des
pensées religieuses. Souvent à la vérité elles se présentent à lui sous des
formes sentencieuses, qui rappellent encore le caractère un peu froid de la
philosophie ; mais au moins, elles donnent à ses chants une couleur morale
qui est aussi la couleur poétique. Il manque à Horace de laisser échapper des
pensées du fond de son cœur, ou d’aller les démarrer aux cieux avec le langage d’un poète vraiment ému.
Poème séculaire :
Le poème
séculaire destiné à être chanté dans les jeux qui se célébraient tous les cent
ans, est une prière aux dieux pour la conservation de l’empire. Le poète fait
des vœux pour la patrie, et il demande à ses dieux de protéger cette grande
cité qui est leur ouvrage, de faire fleurir ses mœurs antiques, et de combler
de gloire la race de Romulus. Il y a dans cette ode une couleur pure et simple,
un choix de langage qui montre que le poète a voulu égaler sa poésie à la
sainteté de son sujet , mais l’inspiration
lyrique ne s’y fait pas sentir. Il n’y a ni ce mouvement, ni cet enthousiasme
qui doit animer les peuples, lorsqu’il parle aux dieux et qu’il chante leur
gloire.
Nous avouerons
qu’Horace possède au suprême degré l’art d’intéresser son lecteur, qu’il sait
anoblir les sujets les plus insignifiants, que les descriptions, que ses
images, que les comparaisons sont courts et unies, animées ; que son
langage est fier, élégant, plein d’urbanité ;que sa versification n’est
pas moins harmonieuse dans leur rythme
lyrique, que celle de Virgile est parfaite dans le mètre héroïque ; c’est
ce que tout le monde sait et répète. Sa gloire littéraire est grande ;
mais la palme lyrique ne doit être accordée qu’au génie chaste et pieux, qui
chante sous l’inspiration de son âme. Après Horace, la littérature latine est
veuve de poètes lyriques.
Satyres :
Le nom d’Horace
est devenu synonyme proverbial du philosophe aimable, de l’homme poli, du poète
ingénieux. Ce poète dans les satyres nous offre une fidèle image des croyances
et des besoins politiques de son temps. Il y avait alors peu d’esprit et
beaucoup de lassitude ; l’épicurisme rejeté comme système avait de
nombreux partisans ; Horace en fut l’interprète. Sa morale est tantôt
sévère, tantôt relâchée ; il n’aime pas le vice en général, mais il y a de
l’indulgence pour certains écarts. Cette douce te complaisante philosophie
donne beaucoup de charme à ses conseils ; aussi nous empresserons nous de
reconnaître qu’il possède au suprême degré le talent de plaire. Le sens exquis
du plus grand nombre de ses maximes, la netteté de ses idées, la perfection
variée de son style, le sel de ses plaisanteries toujours tempérées par la
grâce, le rende digne du rang que l’admiration de vingt siècles lui a décerné.
Horace, au lieu
du genre austère de Lucilius, prit celui d’une familiarité libre : aussi
ses satyres n’ont guère de véhémence ; ce sont d’enjouées et piquantes conversations
qu’il appelait sermons. Dans chacune d’elles, il suit une idée principale, mais
souvent à travers des détours. Nous le suivons sans nous informer du terme
qu’il emploie, et il a tant de grâces, qu’on n‘a pas le courage de lui
reprocher quelques longueurs.
Satyres et épitres
Plusieurs
différences distinguent les satyres d’Horace de ses épitres. Les premières ont
toujours pour but de corriger le vice. On ne trouve guère cette intention dans
les épitres. Dans les satyres Horace parait moquer ; dans l’épitre il ne
se montre que moraliste. A l’exemple de Lucilius et des auteurs de l’ancienne
comédie grecque, le poète satyrique attaque des personnages connus, quelque
fois même des hommes vivant, l’épistolographe ne se permet que fort rarement
des personnalités. Les satyres furent l’ouvrage d’un jeune homme, les épitres
sont un fruit de l’âge mûr ; on y remarque plus d’urbanité, plus
d’expérience. Dans celle là, Horace s’occupe le plus souvent des autres ;
dans celles ci, il descend au fond se son propre cœur, et converse soit avec
lui-même soit avec des amis. Dans le rapport de la versification et du mètre,
les satyres sont plus négligés que les épitres. Ce qui fait le charme principal
des épitres, c’est la variété qui règne dans les caractères des personnes aux quelles elles sont
adressées, comme dans le ton et les couleurs que le poète emploie. En général,
les satyres d’Horace sont plus piquantes que ses épitres, mais celles-ci sont
plus courtes et plus agréables ; la lecture des première est plus amusante,
celle des secondes est plus morale, et, sous ce rapport, nus leur donnons la
préférence.
Art poétique
L’art poétique d’Horace est-il un poème
didactique ou simplement une épitre ? A cette question, peu importante au
fond, nous répondrons que c’est un poème didactique présenté sous la forme
d’une épitre. En effet, c’est un ensemble de préceptes sur un sujet déterminé,
adressé aux Pisons, comme les travaux d’Hésiode sont adressés à son frère
Persée. Du reste, il est tout naturel qu’une épitre puisse devenir un véritable
poème didactique car, que le poète donne des préceptes à une seule personne ou
à un grand nombre de lecteurs, le but qu’il se propose n’est il pas toujours le
même et le fond de l’ouvrage est il changé parce qu’il n’a pas la forme ordinairement
employée dans les compostions de ce genre ? ceux
qui refusent à l’art poétique le titre de poème se fondent principalement sur
le défaut d’ordre qu’on y remarque. Sans doute, dans les ouvrages didactiques,
l’ordre et la méthode sont essentiellement requis, non à la vérité sous une
forme aussi stricte que dans les traités en prose, mais dans la manière pourtant à montrer clairement au
lecteur la suite et l’enchainement des idées. Horace est celui de tous les
poètes didactique qui semble avoir le plus négligé ce précepte ; mais si
l’on envisage son art poétique comme destiné à régler le drame romain, ce qui
parait avoir été l’objet principal de l’auteur, on y découvre un traité plus complet et plus réguler
que si l’on veut, suivant l’opinion commune y trouver tout l’art de la poésie
réduit en système.
L’art poétique
se divise en trois parties :
1ère Partie
Dans la première Horace
donne ses préceptes généraux de composition ; c’est une espèce
d’introduction (vers 1-86). Il y traite d’abord de l’invention, et, à ce
propos, de la règle de l’unité, de la proportion, et de la convenance des
parties (v. 1-42). Viennent ensuite quelques vers sur la disposition (v.
42-46). On y voit ensuite l’élocution ; Horace y parle de l’emploi des
mots, et spécialement de la manière de rajeunir les termes vieillis, en leur
donnant une signification moins commune (V. 46-73). Enfin il énumère les
différentes espèces de vers propres aux divers genres de poésie (v. 73-86).
2ème Partie
La seconde
partie, qui fait le fond de l’ouvrage, traite de la poésie dramatique. C’est et
ce devrait être la plus longue des trois (v.86-309). On y remarque trois
grandes divisions, relatives à trois genres de composition dramatique :
cette partie se termine par quelques détails sur le vers iambique, suivi de
réflexions qui servent de transition à la 3ème partie.
3ème Partie
La 3ème
partie se compose de préceptes donnés aux poètes sur les études qu’ils doivent
faire (V. 309-476). Horace leur conseille d’abord d’acquérir des connaissances
utiles, d’étudier l’homme dans les ouvrages des philosophes, dans nos
semblables et dans nous-mêmes. Il leur recommande de se proposer toujours pour
but l’utile joint à l’agréable ; de là nait une digression sur les heureux
effets de la poésie naissante. Il examine ensuite cette question : si
c’est l’art ou la nature qui peut produire un beau poème, et il l’a résout en
disant que l’un ne pouvant rien sans
l’autre, ils doivent se prêter un mutuel appui. Enfin il apprend aux poètes à
distinguer leurs véritables amis, leurs flatteurs, et termine par le portrait
fort comique d’un homme qui a la manie de faires des vers et de fatiguer tous
ceux qu’il rencontre de la lecture de ses ouvrages.
On peut voir par
cette analyse que l’ordre ne manque pas à l’art poétique ; mais cet ordre
est peu sensible parce que les transitions n’y sont que faiblement marquées, et
c’est un des caractères généraux des écrits d’Horace. Quand à l’exécution du
poème ; elle est digne d’Horace. Son sujet offrait de grandes difficultés
à vaincre ; il a triomphé, comme Virgile, en présentant comme animés les
objets qui paraissaient les moins propres à le devenir. C’est ainsi que pour
dire que le vers iambique ne conviendrait pas à la tragédie s’il n’était mêlé
de spondées, il personnifie l’iambe qui,
pour arriver aux oreilles d’un pas plus lent et plus majestueux, s’unit avec le
grave spondée, qu’il assoie à l’héritage paternel (V.281-288) : fait il
voir la nécessité de créer des mots afin de rafraichir de temps en temps les
langues de quelques nouveaux secours ? Au le lieu d’un précepte su et
stérile, il se sert d’une image naturelle V.260-262).