Le mot grec
épopée signifie récit, faire, feindre, créer. L’épopée est le récit en vers
d’une action héroïque, vraisemblable, intéressante. L’action doit être une et
avoir ses limites. Le merveilleux doit entrer dans l’épopée ; elle doit renfermer
une leçon morale. Toutes ces qualités se trouvent dans l’Iliade d’Homère.
« Il a réussi, dit Quintilien, qui est le plus sage critique de
l’antiquité, le sublime, le grand, le riant ; il est étendu, serré,
admirable par son abondance et par sa brièveté ».
Les grecs
assiégeaient Troie. Agamemnon chef de l’armée, se brouilla avec Achille, qui
était le héros le plus vaillant ; et Achille se retira dans son camp, et
les grecs sont battus jusqu’à ce que ce héros ramené par un accident qui le
toucha lui-même fasse changer le sort des armes. Tel est le sujet de l’Iliade
et le fondement sur lequel s’élève l’édifice d’un poème que le génie d’Homère a
rendu le modèle des poèmes épiques de tous les siècles.
Les allégories
et les emblèmes sont de la plus haute antiquité ; c’était la science des
égyptiens et le style des orientaux ; Homère avait voyagé chez eux, et ses
fictions ont toujours un sens
allégorique.
Homère a peint
les dieux tels que la croyance vulgaire les représentait alors, et l’on admire dans l’Iliade que,
malgré l’intervention des dieux, le poète conserve à ses héros la grandeur
d’âme qui leur est propre, et le caractère qu’il leur a donné. Achille, dit la
harpe, est le chef d’œuvre de l’épopée. Il sait qu’il doit périr devant Troie,
sa jeunesse, sa beauté, une déesse pour mère, tous ces avantages qu’il a sacrifiés
à la gloire, en acceptant une mort prématurée et inévitable, tout sert à
répandre sur lui cet éclat et cet intérêt qui attache aux hommes
extraordinaires. Ce mélange de sensibilité et de fureur, de férocité et de
pitié, cet ascendant qu’on aime à voir dans un homme sur les autres hommes, ces
faiblesses qu’on aime à retrouver dans ce qui est grand, forment d’Achille le
caractère le plus poétique qu’on puisse imaginer. L’élocution d’Homère est
toujours convenable à ses héros ; ce sont non des étincelles, mais des
traits de feu. Sa narration marche d’un pas égal pendant 19000 vers, pleins de
force, de chaleur et de grâce. Voici le portrait qu’il fait d’Ulysse :
« Dans le conseil et les délibérations publiques, il paraissait d’abord
embarrassé et timide ; les yeux fixes et baissés, sans geste et sans
mouvement, il ne donnait pas l’idée d’un grand orateur ; mais quand il
s’était animé, ce n’était plus le même homme ; et semblable à aucun torrent
qui tombe du haut d’une roche, il entrainait les esprits par le torrent de son
éloquence. »
Diomède, blessé
dit à son écuyer : « retire moi ce fer », et il revole au
combat.
Ajax, le
bouillant Ajax s’écrie : « que le jour reparaisse et que les dieux
combattent contre nous. »
Ainsi en eu de
mots, Homère caractérise ses héros ; il peint avec la même énergie et les
dieux et les combats : si on lui a reproché la continuité de ses combats,
qui, remplissant quatre ou cinq chants de suite, ont nécessairement trop
d’uniformité, et si l’on a blâmé quelques détails minutieux, oserons nous plus
qu’Horace, lequel a dit : « je sens du dépit, lorsqu’il arrive à
Homère de sommeiller. »
Odyssée
L’odyssée a pour
sujet le retour d’Ulysse à Ithaque, petite île dont il était le roi. Dans
l’Iliade, on ne voit que des combats ; dans
l’Odyssée, ce sont des malheurs, des dangers, dont l’homme triomphe par sa
sagesse, sa prudence et sa patience. Dans l’Iliade, c’est Jupiter même qui
domine et agit en maître ; dans l’Odyssée, c’est la déesse de la sagesse
qui conduit l’homme et le sauve. L’avis de Longin et de la plupart des autres
critiques est que l’Odyssée est inférieure à l’Iliade ; cependant ce poème
intéresse la curiosité par la peinture des mœurs antiques, dont il ne reste point
de monument plus authentique et plus précieux. Quand au style, il est au-dessus
de l’éloge.
Les poésies
d’Homère se chantaient autrefois par morceaux détachés, auxquels on donnait des noms particuliers comme : le
combat des vaisseaux, la grotte de Calypso etc. Ces
fragments s’appelaient rapsodies, et ceux qui le chantaient rapsodes.
Ce fur
Pisistrate, roi d’Athènes, qui en rassembla les divers morceaux, les arrangea
dans leur ordre naturel et en composa les deux corps de poésie que nous avons
sous le nom d’Iliade et Odyssée. On en fit ensuite plusieurs copies fameuses.
Aristote en fit une pour Alexandre le grand, qui la mit dans une précieuse
cassette trouvée parmi les dépouilles de Darius ; on la nomma l’édition de
la cassette. Enfin,
Aristarque, que Ptolémée Philométor avait nommé
gouverneur de son fils Evergète, en fit une si correcte et si
exacte, que le nom de l’éditeur est devenu celui du censeur le plus
éclairé ; on dit une Aristarque pour dire un bon juge en matière de goût.
Homère est
encore auteur d’un petit poème burlesque, intitulé : la guerre des rats,
plein de gité, d’esprit et de vivacité.