Jacques Bénigne
Bossuet né l’an 1627 à Dijon (côte d’Or), d’une famille considérée comme dans la Robe. Il y fit, chez les
jésuites, ses premières études et puisa dans leurs leçons une piété vive et
éclairée. A 15 ans, les parents l’envoyèrent à Paris, au collège de Navarre, où
la langue grecque, la philosophie, les
chefs d’œuvres de l’antiquité mais surtout l’écriture et l’étude des saintes
lettres occupèrent tous les moments. Dès l’année suivante, il soutint sa
première thèse avec tant d’éclat, qu’on
voulut le voir à l’Hôtel de Rambouillet : il y vint et improvisa après
quelques instants de méditation un sermon qui excita l’admiration générale. A 21 ans après avoir été reçu dans la
corporation de Navarre, il soutint une autre thèse dont le sujet était la
gloire du monde et celle qu’attend le juste après la vie. La paix de Westphalie
allait se conclure ; le jeune héros de Rocroi (Ardennes, champagne, près
de la Meuse) et de Nördlingen (sur la frontière ouest de la Bavière) brillait
de tout l’éclat de la victoire. Tout au
milieu du discours, entre dans la salle le grand Condé, entouré de nombreux
compagnons de ses armes. L’orateur, sans s’interrompre, paya, au nom de la
France, le tribu d’admiration et de louanges qui était
du au jeune vainqueur et sut lui dire aussi, avec une sorte d’autorité
anticipée, combien cette gloire était vaine et périssable. 40 ans après, il
répéta les mêmes vérités sur le tombeau du prince. Le grand Condé fut si touché
de ce discours que dès lors, il lui voua pour toute sa vie son estime et son
amitié.
En 1655, il
publia la réfutation du catéchisme de Ferry, ministre protestant fort estimé
par son savoir et son talent. C’était son premier ouvrage ; il eut un
succès extraordinaire. Attiré souvent à Paris pour les affaires de son
chapitre, ses prédications avaient de plus en plus une vogue merveilleuse. Il
fit un panégyrique de saint Paul qui peut être mis au rang de ce qu’il a fait
de plus beau, et successivement il composa d’autres panégyriques qui ne lui
sont point inférieurs. C’est à cette époque (1655-1669) que Bossuet se plaça
par son génie, sa science et sa vertu à la tête de l’église et de la religion
en France. En 1663, il prononça sa première oraison funèbre, celle de Cornet,
grands maître de Navarre, qui n’était point sans beauté quoique le sujet ait
par lui-même peu de grandeur. Trois an après, il remplit le même devoir pour Anne d’Autriche.
C’est aussi à cette époque qu’il mêla souvent sa voix grave aux enchantements
de Versailles et qu’il prononça ses sermons, comme un contraste sublime avec
les fêtes et les plaisirs de la cour.
Bossuet n’écrivait
pas généralement ses sermons quelques heures avant de monter en chaire, il
méditait sur son texte, jetait sur le papier quelques paroles, quelques pensées
des Pères pour guider sa marche, quelques fois, il dictait les plus longs
morceaux, puis il se livrait à l’inspiration du moment, à l’impression qu’il
produisait sur ses auditeurs.
Dans ses sermons
apparaissent ces mouvements raffinés, ces hautes pensées qui étonnent et
accablent l’esprit ; là se voient ces figures hardies et animées qui
remuent l’âme en parlant à l’imagination ; là aussi ce mélange de grandeur
et de simplicité, je ne dirais pas négligence, mais pure et âpre ; car ce
puissant génie semble dédaigner les artifices dela parole auxquels nous attachons tant de
prix ; on dirait qu’il les juge indignes de la gravité. De son
saint ministère, peut être aussi qu’assuré de l’effet de la pensée, il voulait
élever la simplicité de son langage jusqu’à sa hauteur. Il conserve avec la
majorité des écritures dont il est nourri un air fier et sauvage, l’allure
libre et ferme, une familiarité pleine de charme et d’énergie. Mais oublions
quelques négligences, quelques fautes de langage faciles à corriger ;
laissons nous entrainer à la rapidité, aux mouvements, et à la chaleur de la pensée, laissons notre
imagination se pénétrer de ces images vives et éclatantes qui viennent en foule
le frapper et demandons nous si jamais l’éloquence déploya plus de force, de
grandeur, de feu. La parole ardente, enflammée, pleine du souffle des
prophètes, descend et agit sur l’auditoire avec une autorité
irrésistible ; toutes les âmes sont saisies tour à tour de terreur et
d’espérance, et tremblent d’une sainte ardeur sous les foudres de cette sublime
pensée qui semble elle-même agitée de respect et de crainte sous la grandeur
des mystères, et des vérités qu’elle annonce, et du dieu qu’elle enseigne.
Les oraisons
funèbres de Bossuet sont un nouveau
triomphe de la gloire.
Elles présentent des tableaux qui touchent, qui épouvantent,
qui éclairent. Annonce des vérités, confondre l’orgueil, ne point dissimuler
les faiblesses, instruire les vivants par l’éloge des morts, voilà quel est le
but de ces sortes de discours et celui de Bossuet a rempli avec une supériorité
inimitable. L’oraison funèbre de la Reine d’Angleterre, veuve de Charles 1er,
est remplie de feu, de grandes idées, de ces élans d’imaginations qui étonnent
et de ces traits sublimes dans le langage qui séduisent. On sait que celle de
Madame, enlevée à la fleur de l’âge et morte dans ses bras, arracha à ses
auditeurs des sanglots qui l’obligèrent de s’arrêter lui-même après ces paroles
foudroyantes : « O nuit désastreuse, nuit foudroyante, etc. »
Le discours de
Bossuet sur l’histoire universelle est un chef d’œuvre qui réunit tout à la
fois ce que le génie a de plus sublime, la morale la plus
sage, le style persuasif et le plus brillant, l’art le plus étonnant. Le sujet
en est grand, l’expression toujours proportionnée à la dignité de la matière. Malgré
les difficultés qui se présentent dans un discours dont le but est de
développer le chaos du temps, de suivre pour ainsi dire, pas à pas la marche de
la sagesse divine, et lui tout apporter, quelle rapidité dans la narration,
quel ordre dans la marche, quelle étendue et quelle profondeur dans les vues,
quelle sagacité dans les réflexions. Que la religion est respectable, lumineuse
et consolante sous son pinceau !. Bossuet dans
son discours sur l’histoire universelle n’a ni modèle, ni imitateurs.